INTRODUCTION

 

"L'expérience autant que la tradition peut être source

valide d'inspiration éthique"

David Hartman


 
La science à travers les siècles a souvent tangué entre les honneurs et le banc des accusés. Elle a été louangée grâce à la fascination que le savoir a provoqué en brisant l'une après l'autre les frontières de l'inconnu, des plus infimes particules aux plus fantastiques distances de l'espace. La science, estimaient les penseurs des Lumières, est ce qui libère l'homme des superstitions et l'aide à vivre mieux grâce à un meilleur usage de la raison. Les modèles ne manquent pas d'hommes avides de savoir tant dans la mythologie que dans la littérature occidentale. De Prométhée à Théophile, de Paracelse à Faust ou Sisyphe, la soif de connaissance est perçue comme une volonté de puissance afin de dominer le monde et de le transformer. Tous les héros de Jules Verne ont de la science et du progrès une vision idéaliste et euphorique; ils l'envisageaient comme un outil permettant de domestiquer la nature et rendre enfin l'homme réellement maître de la planète, voire de devenir un Dieu.

Cependant, des catastrophes telles Tchernobyl, Bhopal ou Guadalazara, Hiroshima ont fait prendre conscience à la collectivité que les risques étaient bien concrets et mortels lorsqu'au nom d'une absurde conception du progrès scientifique, le gigantisme industriel, la cécité de l'état et la course au profit, se conjuguent l'oubli et le mépris de l'homme.

Ce constat mènera la société au questionnement suivant : la science est-elle protectrice et émancipatrice ou menaçante, risquée et dangereuse. Est-ce que la science, comme le suggérait Victor Hugo, servirait le matérialisme au détriment de l'humain : " Sans cesse le progrès, roue au double engrenage fait marcher quelque chose en écrasant quelqu'un". Il semble évident, comme le déclarait François Jacob, que "toute recherche scientifique mène à l'inconnu et (que) de l'inconnu, on peut tirer le meilleur comme le pire". Il s'agit maintenant que les philosophes et les scientifiques élèvent la voix, non pour vitupérer la quête de la connaissance mais pour la rendre responsable, lui fixer des limites, voire la rendre éthique.

Bien sûr l'éthique reflète nos valeurs morales, religieuses aussi bien que notre expérience humaine. Le sujet devient d'autant plus délicat dans le domaine de la bioéthique où l'on touche à des racines très profondes relevant de l'irrationnel: l'intégrité du corps, la propriété de la personne. Ainsi, une très grande ouverture d'esprit, la maturité, et la rigueur au sein de la communauté scientifique doivent devenir une prémisse à la recherche.
 

Chérissant cet idéal, l'AEGSFM a pris l'initiative, en 1999, d'organiser son premier débat sur un thème bioéthique.  Depuis lors, l'Association a décidé de mettre plus d'emphase sur l'événement; soit de voir plus grand et d'adopter la formule "Colloque en Bioéthique".  Ainsi, par l'entremise d'une soirée débat et d'un avant-midi conférences, nous espérons sensibiliser la communauté universitaire aux interrogations bioéthiques qui deviennent inévitables et auxquelles nous avons comme devoir de réfléchir individuellement et collectivement.  En ce sens, notre formation académique est le contexte idéal pour acquérir, développer et structurer nos idées et notre argumentation.  Nous croyons qu'une gestion saine de la recherche émerge de l'habitude à débattre et à confronter nos idées, nos opinions et nos connaissances à la lumière des nouvelles découvertes et d'opinions pluridisciplinaires.  Ainsi, en visant les divers champs d'intérêts de la communauté universitaire, nous voulons promouvoir une vision et une implication universelle plutôt que concentrée dans une unique discipline.  Ne sommes-nous pas tous soucieux quant à l'avenir de notre humanité ?

En fait, reste à savoir si nous voulons être de ceux qui défendrons les immenses accomplissements du monde scientifique, sans toutefois mettre en péril notre collectivité et, ce que nous possédons de plus précieux, notre Âme d'homme et de femme.  En d'autres mots, comme l'exprime la maxime "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", sommes-nous prêts à utiliser la science en toute conscience, prendrons-nous part au débat, à la réflexion?

Hélène Girouard
Catherine Hamelin


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